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Pourquoi il est trop tôt pour le revenu universel de Benoît Hamon, et pourquoi on n'en aura sans doute même pas besoin même si le travail se raréfie

Pourquoi il est trop tôt pour le revenu universel de Benoît Hamon

Voici 3 raisons de penser que, même si l'idée est intéressante, il est sans doute trop tôt !
  • 1. Ça coûte très cher si on veut que le revenu ne soit pas ridicule (plus haut que le RSA), donc :
    • a) soit on ne change pas le niveau des impôts pour mieux redistribuer les aides sociales existantes, mais on va arriver à la situation perverse où beaucoup de gens aisés vont recevoir de l'argent là où les plus en difficulté (familles pauvres avec enfants) en recevront moins qu'avant, ce qui serait injuste au final
    • b) soit on augmente les impôts en France mais ils sont déjà à un niveau très élevé, les augmenter encore plus risque de brider l'entrepreneuriat et la création d'emplois :(
  • 2. Pour beaucoup, le travail donne un sens à la journée et même à la vie (sauf pour les tâches les plus pénibles et abrutissantes, MAIS en réalité le travail au global est en moyenne de moins en moins pénible, plus sûr, moins fatiguant, etc.), les chômeurs de longue durée, même en étant subventionnés, finissent par déprimer et perdre en estime de soi. Certes à terme si la majorité ne peut travailler ce sera moins stigmatisant, mais la transition risque d'être très douloureuse pour ceux qui voudront travailler et ne le pourront. Et que va-t-il se passer si du jour au lendemain des millions de gens se retrouvent en vacances perpétuelles ? Les gens chercheront-ils à entreprendre ? créer ? voyager? se cultiver ? Mais s'ils s'ennuient et dépriment, quelle sera leur propension à s'évader par d'autres moyens (drogues, alcool)? Quand on voit toutes ces célébrités qui finissent mal alors qu'elles n'avaient pas à se soucier de gagner leur vie et tout le temps et l'argent possible pour être heureuses, on peut se poser la question... Il est urgent de prendre le temps d'étudier tout cela avant de nous précipiter...
  • 3. Est-ce que cette mesure peut être prise seule par la France dans un monde de plus en plus connecté? Si il est vrai que les chercheurs peinent à prouver aujourd'hui que les migrants viennent dans les pays riches pour profiter de leur système social, on ne peut exclure qu'un tel revenu révolutionnaire puisse motiver nombre de personnes dans les pays pauvres à venir en Europe chercher un monde meilleur (ni leur en vouloir). Et ces dernières années montrent bien qu'on ne peut empêcher ces migrations sans renoncer à nos valeurs humanistes. Cela risque de cliver plus que jamais nos sociétés.

Et considérons les jeunes, les étudiants, les premiers qui bénéficieraient du revenu universel pour Benoît Hamon. Quel est le principal poste de dépense d'un étudiant, d'un 18-25 ans qui monte dans une grande ville pour étudier ? Le logement ? Bien, que se passe-t-il si d'un coup des millions de jeunes touchent 750€ par mois sans contrepartie? Que se passe-t-il sur les loyers pour les étudiants avec cette soudaine manne dans une économie de marché comme la nôtre si beaucoup plus d'étudiants qu'avant veulent un logement ? Et bien le risque est que le loyer flambe, que les propriétaires gagnent plus d'argent, mais que le "pouvoir d'usage" (qui coïncide ici avec le pouvoir d'achat) des étudiants stagnent...

C'est l'erreur classique consistant à confondre la monnaie avec les biens et services qu'on peut acheter avec. Les jeunes toucheraient plus de monnaie, mais cette monnaie permettrait alors d'acheter moins de ce dont ils ont besoin, car les loyers flamberaient.

La vraie solution par exemple ici consisterait pour l'État à faciliter l'investissement ou à investir lui-même dans la construction de logements étudiants. Si l'offre de logements étudiants augmente plus vite que la demande, les loyers baissent, sans même besoin d'un revenu universel. Dans un monde idéal où l'on construirait assez de logements et des moyens de transport pour les connecter aux centres de vie, les loyers baisseraient jusqu'à tendre vers les coûts de construction et d'entretien amortis sur la durée de vie des logements (lire à ce titre Pourquoi les prix de l'immobilier pourraient bien converger vers zéro à horizon 35 ans du fait du progrès technologique).

Enfin, notons que la fameuse révolution numérique de ces dernières années n'a en fait pas vraiment accéléré la hausse de la productivité jusque là contrairement aux impressions. Les grands bouleversements techniques dus à la robotique et l'intelligence artificielle vont se produire très certainement à horizon 5-10 ans, mais en réalité depuis les années 1970 la productivité augmente bien moins vite que sur la période 1945-1975!

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Et aussi si on compare 1998-2003 à 2004-2014 ci-dessous.

Wells Fargo note

Un rapport économique établi pour le Président Obama en 2015 avait calculé que si la productivité avait continué à croître depuis 40 ans au même rythme que sur la période 1948-1978, le revenu moyen par foyer aux Etats-Unis serait de 30 000$ plus élevé aujourd'hui. Et si le niveau d'inégalité était resté le même ces 40 dernières années que celui de 1973, le revenu moyen par foyer ne serait plus élevé que de 9 000$!

En d'autres termes, et c'est une grande vérité très contre-intuitive, la trop faible croissance de la productivité, le trop faible impact des robots depuis 40 ans sur notre économie a joué un rôle bien plus important que les inégalités dans la stagnation du revenu moyen par foyer aux Etats-Unis !

On vit dans un monde de plus en plus connecté, et il y a tant à faire en exportant des biens et services pour satisfaire les besoins des autres pays: à notre échelle en France pour les 10 ans à venir, si on est malin, bien éduqué, bien productif avec nos machines et bien créatif, on peut très largement obtenir le plein emploi et croître grâce notamment aux exportations.

Donc en attendant que la révolution numérique vienne raréfier le travail, contentons-nous de faire des expérimentations localisées sur le revenu universel, et continuons surtout à libérer le travail et la productivité pour créer des emplois rémunérateurs, notamment en:

  • 1. réparant l'école avec un Big Bang de l'éducation et en y faisant intervenir des mentors dans les classes des quartiers les plus défavorisés (voir à ce tire mon initiative caritative Kupita)
  • 2. favorisant le progrès technique, la recherche et les investissements dans les technologies et les startups  (biotechnologies, nanotechnologies, neurosciences, robotique, intelligence artificielle, génie génétique, etc.)
  • 3. facilitant l'embauche, c'est-à-dire pour être franc, en flexibilisant le travail tout en assurant plus de sécurité, de plus longues indemnités chômage, aide à la reconversion, etc. Aujourd'hui beaucoup de petits entrepreneurs en France ont une peur panique d'embaucher en CDI de peur de ne pas pouvoir y mettre un terme si ça se passe mal après les 6 mois de période d'essai, je sais de quoi je parle puisque j'ai le problème avec dans ma propre entreprise. Pourquoi pas un contrat spécial plus flexible pour les entreprises de moins de 100 salariés ?

Pourquoi on n'aura sans doute même pas besoin du revenu universel même si le travail se raréfie​

Je pense qu'il faut plus raisonner en termes de "pouvoir d'usage" que de revenu ou même de pouvoir d'achat.

Le revenu est un moyen, non une fin. La fin est le plus grand "pouvoir d'usage" des citoyens, dans le respect de la nature et des générations futures. Pouvoir d'usage devant donner accès à biens et services permettant l'épanouissement et le bonheur des humains.

Je parle de "pouvoir d'usage" et non de pouvoir d'achat, car en fait beaucoup des biens et services d'aujourd'hui vont, c'est vrai, voir leur coût en monnaie diminuer (augmentation du pouvoir d'achat) mais même devenir gratuit (même plus d'achat donc).

C'est l'Autre grande conséquence de la Révolution Numérique chère à Benoît Hamon avec la raréfaction du travail à terme : la chute des prix pour les biens et services d'aujourd'hui. 

Chute des prix et raréfaction du travail à terme sont l'avers et le revers de la même médaille.

C'est évident en fait : si il y a besoin de moins de travail pour produire un service, un risque est que le prix de vente du service reste le même alors que le coût de fabrication aura baissé, l'actionnaire s'enrichit au détriment du travailleur (et du consommateur).

Mais ce n'est pas viable pour 2 raisons :

  • 1. Car si le travailleur ne travaille plus, il n'a plus de quoi acheter ce service. (Ce n'est pas aussi simple car un travailleur ne consomme pas que des produits qu'il produit, mais au niveau macroéconomique cela tient néanmoins si le travail se raréfie dans tous les secteurs, ce qui est un peu l'hypothèse de Benoît Hamon.)
  • 2. Et de toute façon, dans une économie de marché une autre entreprise arrivera et finira par passer la baisse du coût de fabrication de ce produit au consommateur en baissant le prix final et en acceptant de faire moins de bénéfices pour remporter des parts de marchés, les profits tendront vers zéro ou presque.

Donc le travailleur perd son travail, mais le travailleur est aussi un consommateur qui profitera d'une offre plus saine et plus écologique, moins chère voire gratuite pour beaucoup de biens et services tels qu'on les connaît aujourd'hui.

C'est le propre du progrès technique depuis que le premier représentant du genre Homo a ramassé un bout de bois. Faire plus avec moins.

Je ne crois pas à la décroissance, je crois à la croissance saine grâce au progrès technique guidé, orienté par le tuteur démocratique et écologique.

Demain on ne travaillera peut-être pas... Mais beaucoup de ce qu'on connaît sera gratuit ou presque. Donc un revenu universel n'aura pas vraiment de sens, ne sera pas nécessaire. Du moins pas dans les proportions qu'on imagine, un revenu plus faible même que le RSA suffirait pour les plus pauvres, sachant que la définition de la pauvreté ne sera pas non plus la même qu'aujourd'hui.

L'énergie ? Le principal frein au développement en Afrique. Bientôt gratuite et plus abondante qu'on en aura besoin, le soleil fournit en une heure à la Terre l'équivalent des besoins énergétiques annuels des humains d'aujourd'hui. On est en passe de savoir :

  •  capter cette énergie illimitée (panneaux solaires de plus en plus efficaces et bon marché), 
  • la faire circuler sur de larges distances (câble à ultra haute tension en courant direct) 
  • et la stocker (stockage de l'énergie électrique dans les batteries de maisons de type Tesla Powerwall, ou en la transformant en énergie potentielle en pompant de l'eau dans des réservoirs en altitude par exemple).

On peut citer pareille transformation à venir à horizon 10 ans dans de plus en plus de domaines.

Bien sûr de nouveaux besoins apparaîtront pour nous permettre de nous démarquer les uns des autres, car l'homme est ce qu'il est et on aura tendance à vouloir remonter toujours plus haut dans la pyramide de Maslow...

Mais quelle époque incroyable que de savoir que les besoins de base de toute l'humanité seront satisfaits, sans vraiment avoir grand besoin de recourir à un revenu de base, ou du moins en se limitant à un revenu très bas, car le confort de base sera gratuit ou presque, ou du moins plus accessible que jamais, presque comme l'air que nous respirons...

2016 Annus Horribilis avec l'état islamique, Trump and co ?

Mmm, 2016 est le meilleur cru de l'humanité jusque là, depuis l'éveil d'Homo sapiens il y a 70 000 ans.

En 2016, 250 000 personnes par jour en moyenne sont sorties de l'extrême pauvreté!! Un record absolu!!

Depuis 1990, 100 millions d'enfants ont été sauvés grâce au progrès médicaux, aux campagnes de vaccinations, entre autres.

Au début des années 1980, plus de 40% des humains vivaient dans l'extrême pauvreté. Aujourd'hui moins de 10% y sont. D'ici à 2030, juste 3-4% devraient y vivre. Et cela en grande partie grâce au progrès technique et au capitalisme malgré tous ses défauts, limites, lacunes et autres insuffisances.

Pour conclure

Je pense donc pour ma part qu'il est urgent d'attendre ET d'expérimenter, mais de ne surtout pas faire du revenu universel le coeur de sa campagne pour ce qui doit être implémenté en 2017-2022 en France.

Et sinon plus largement sur ce sujet, j'avais écrit cet article en 2013 dans le Journal du Net  "Athènes 2.0, ou quelle place pour l’Homme dans un monde de machines ?" : De plus en plus de tâches techniques manuelles et intellectuelles sont automatisées. Jusqu'où cela ira-t-il? Une meilleure éducation offrira-t-elle un sursis durable aux Hommes? Vivrons-nous tels les citoyens d'une nouvelle Athènes, dans un monde d'abondance permis par le labeur des machines ?

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