Je viens de visionner le film "The French nuclear trap" qui revient sur la supposée impasse du nucléaire français.
Effectivement l'EPR semble être un désastre économique annoncé.
Après ce qui me gêne, c'est le ton à charge contre le nucléaire avec des raccourcis assez fallacieux.
Le reportage entend jeter le bébé des potentialités du nucléaire au sens large avec l'eau du bain de l'EPR, c'est assez malhonnête car le nucléaire ne se résume pas aux centrales de génération II (l'essentiel du parc français) et III (EPR).
Pourquoi personne ne parle par exemple des centrales de génération IV, notamment des réacteurs à sels fondus ( Molten Salt Reactors) ?
Cette technologie s'annonce révolutionnaire à plusieurs titres :
- infiniment plus sûre : le combustible nucléaire est utilisé sous forme liquéfiée, mélangé à des sels fondus, le mélange n'est pas sous pression en mode "cocotte minute", pas besoin d'un énorme dôme en béton pour contenir les réactions. C'est bien le fait que les réacteurs d'aujourd'hui (y compris EPR) doivent supporter de grandes pressions qui les rend dangereux : on craint une explosion qui projetterait de la matière radioactive partout dans les alentours. Dans un réacteur à sels fondus, la pression est la même qu'à l'extérieur, donc même en cas de fuite, la matière ne serait pas vaporisé mais s'écoulerait doucement avant de se solidifier.
- elle permet justement d'utiliser les déchets nucléaires des précédentes générations de réacteurs ainsi que les stocks de plutonium dont on craint toujours qu'ils puissent tomber entre de mauvaises mains (un des ingrédients des armes atomiques)
- ces réacteurs peuvent être interrompus et redémarrés rapidement, ce qui en font un bon complément des énergies renouvelables intermittentes
- ils peuvent être conçus plus compacts, et donc leur fabrication devrait conduire à des économies d'échelle, ce qui devrait in fine faire baisser le coût (dans l'absolu et proportionnellement à leur puissance)
Voici un très bon résumé de cette techno en des termes profanes
Le reportage donne aussi l'idée que plus aucun acteur privé sain d'esprit n'investirait dans le nucléaire, mais c'est faux, on compte un certains nombre de startups qui se positionnent sur les réacteurs à sels fondus entre autres :
- Flibe Energy
- Transatomic Power (started by two recent MIT graduates)
- Terrestrial Energy
- Martingale, Inc., which recently made public its design for its ThorCon MSR.
Saviez-vous que Bill Gates lui-même a fondé Terra Power, une entreprise qui mise sur une autre forme révolutionnaire de fission nucléaire : les Traveling-Wave Reactors : "Unlike traditional nuclear reactors that rely on enriched uranium to produce power, the Traveling-Wave Reactor (TWR) can function, for the most part, on waste uranium, a byproduct of the current reactor design. A relatively tiny amount of enriched uranium is required by the reactor to get started, but it then runs on the waste, making and consuming its own fuel. The benefit of this design is that the reactor doesn't require constant refueling and waste removal. It can run -- it is thought -- for decades without refueling. This, the companies currently working on a TWR design insist, makes nuclear power safer and cheaper."
Selon Bill Gates, dans sa lettre publique du 29 décembre 2018, l’énergie nucléaire sera indispensable dans le mix énergétique mondial à l’horizon 2050 pour diminuer les émissions de CO2.
Et c’est aussi l’avis du GIEC dans son dernier rapport du 8 octobre 2018, qui a rappelé l’importance d’un socle nucléaire dans le mix énergétique de 2050.
Bref, il faut continuer de foncer sur les énergies renouvelables mais il me semble qu'il serait très malvenu de tourner le dos au nucléaire complètement, surtout quand on entraperçoit les potentialités des réacteurs de 4ème génération! Les anti-EPR gagneraient en crédibilité en nuançant leur discours et ne vouant pas tout le nucléaire aux gémonies.
Sans parler de la fusion nucléaire, énergie propre, matière première surabondante sur Terre, pas de déchets radioactifs (ou très peu, pour peu longtemps, et que pour certaines méthodes). Longtemps ridiculisée comme cette techno de demain qui le restera, les progrès sont en fait conséquents ces dernières années, avec à nouveau tout un lot de startups aux US notamment qui travaillent d'arrache-pied, on peut citer : Christofer Mowry, CEO of General Fusion “I’m 100 percent confident that this is going to happen,” . “Are we going to have commercial fusion power plants on the grid by 2030? Maybe. But it won’t be 50 years, I can tell you that.” Mowry hopes to get a prototype up and running by 2022. With the theory nailed down, researchers are now hammering out engineering problems — and many now believe fusion power plants will be a reality by the 2030s, if not sooner. Inching Closer."